Aller plus loin vers le centre :

l'Alchimie

Par Christophe Merlet

© F Hohn, 1995

La plupart d'entre nous découvre le Taï Ji Quan au fil des ans, par la mémorisation de la forme, puis par une approche méticuleuse de la bonne posture, du bon geste, des applications martiales...

Et ce faisant, nous finissons par croire que nous connaissons ce qu'est le T J Q. Or, qu'en est il réellement ?

Certes, ces années de disciplines nous ont apporté souplesse, coordination, équilibre leurrant ainsi l'observateur novice, subjugué par une apparente maîtrise ( ou traîtrise... ). Quoique parfois le plus dupe n'est pas celui que l'on croit !

Des années durant lesquelles nous avons étudié le T J Q, à bonne distance toutefois de peur qu'il ne nous apprenne, utilisant certains de ses effets pour mieux ressembler à celle ou à celui que nous voudrions être ( ou que nous voudrions que les autres croient que nous sommes ), mieux contrôler cette machine à émotions, à pensées, à gestes désordonnés révélant notre imposture.

Le T J Q n'a t il pas mieux à nous offrir ?

Et si nous décidions de cesser de le contourner, de le mimer, de l'observer sous toutes ses coutures, comme on regarde un paquet cadeau ?

Et si nous décidions enfin de le pénétrer, ou peut être mieux encore, de le laisser nous pénétrer ?

Peut être me direz-vous que vous savez cela, que la circulation du Qi n'a plus de secret pour vous ? Mais il ne s'agit pas du tout de cela, car là encore nous resterions à la périphérie du T J Q ; là encore nous resterions les observateurs de certains effets du T J Q sur l'organisme ; que ces effets soient internes ou externes.

Les effets du T J Q ne sont pas le T J Q.

La feuille attachée à la branche croit connaître le vent qui la bouscule à droite, à gauche, la caresse parfois ; elle ne connaît que les effets du vent sur elle, pas le vent.

Pour le connaître, il lui faudrait mourir, se laisser emporter, détachée de ses racines, de sa nourriture, de ses croyances ; il lui faudrait tout abandonner et lui laisser la place entière. Alors emportée dans un tourbillon, elle ferait partie du vent ; alors elle saurait.

Le prix à payer est là ; et ce n'est que la première marche.

Avons nous donc autant de temps à perdre pour le gaspiller dans le futile, quand le T J Q nous offre l'essentiel ?

Et pour nous apprendre, il a besoin d'une page blanche ; il a besoin que nous soyons totalement disponibles.  Ce qu'il nous donnera sera proportionnel à ce que nous lui laisserons.

Surtout, il ne faut pas essayer de l'observer, de le saisir, de le retenir, ou de le comprendre. Pour apprendre du T J Q, nous devons cesser de le pratiquer, pour enfin le laisser se réaliser.

Alors, lorsque nous disparaissons dans ce mouvement sans début ni fin, sans forme ni limite, l'alchimie secrète à lieu ; l'alchimie de la vie en perpétuelle transformation.

" Tout cela est bien joli, mais en pratique, qu'est ce que je fais ? " direz-vous.

Installez-vous en position d'ouverture ; cette posture qui commence la forme, et porte si bien son nom. Dites vous qu'à compter de cet instant il n'y a plus de retour possible, plus de fermeture ; elle ne sera qu'apparente. Installez-vous en ouverture et accueillez le. Ne l'attendez pas, ne l'épiez pas ; il vous surveille. Il est déjà là ; votre silence est son espace...

Il s'accomplit... Une larme coule sur votre joue, et sur vos lèvres, son goût salé vous révèle la mesure de l'infinie délicatesse de la Vie.

 

Le pratiquant de Taï Ji Qan n'a pas de nom, car lorsque T J Q se réalise, " il " disparaît , et la totalité s'accomplit.

 

Liens :

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