Qu'est-ce qu'un professeur de Taï-chi chuan ?

(musique sur un rythme cérébral © Fabrice HOHN)

Selon la Fédération homologuée (FTCCG), il faut au moins :

- savoir un peu l'histoire du Taï-chi chuan

- savoir un peu de théorie sur l'énergétique chinoise et la kinésiologie

- être pédagogue et avoir une réflexion personnelle sur la pratique du Taï-chi chuan

- connaître au moins un grand enchaînement et en faire la démonstration (ex : l'enchaînement de Yang Cheng-fu en 108 mouvements)

- connaître les applications martiales du grand enchaînement et pouvoir en faire la démonstration avec l'esprit du Taï-chi chuan et non celui d'un autre art martial (ex : le karaté)

- connaître le tui shou dont le Dalu, Peng lu chee an, tui shou simple... et pouvoir en faire la démonstration

- connaître un autre enchaînement à mains nues (Pao chui, San shou) ou avec une arme (bâton, épée, sabre, éventail) et pouvoir en faire la démonstration

Liste non exhaustive ; c'est un minimum !

 

Mon avis personnel :

Un professeur de Taï-chi chuan doit avoir à l'esprit les 4 facettes de cet art qui sont dès l'origine :

1. l'art du combat

2. la science de l'énergie

3. la métaphysique taoïste

4. la technique

 

1. l'art du combat : "Chuan" (quan) se traduit par main, poing ou boxe et fait référence à l'art du combat. Un professeur ne peut ignorer cet aspect car il est la cause principale de la création du Taï-chi chuan. Tous les gestes de cet art correspondent à une attaque, une parade, une clé ou une projection, etc. ... Une personne se réclamant professeur de Taï-chi chuan ne devrait pas ignorer les applications martiales des gestes qu'elle enseigne car cela leurs enlèverait tout sens et toute justesse technique au fur et à mesure du temps. Être élève et ne pratiquer qu'un aspect de l'art est justifiable, mais le professeur est par définition celui qui, sans forcément les maîtriser, connaît tous les aspects de son art. Le Maître en Taï-chi chuan maîtrise parfaitement les techniques et les stratégies de combat de cet art ! C'est-à-dire qu'il peut utiliser de manière efficace la Boxe du Faîte Suprême pour se défendre à mains nues. Il peut et doit pouvoir faire face à un coup explosif à la façon Taï-chi. Certains appliquent ce qu'ils ont appris dans un autre art martial pour interpréter les applications martiales du Taï-chi chuan : cela n'est pas l'art du Taï-chi chuan à part entière. Certains "professeurs" de Taï-chi chuan ne connaissent aucunes applications martiales ; il y en a même qui prétendent que cet art n'est pas un art martial !

2. la science de l'énergie : Le "Taï-chi" se traduit par faîte suprême... Le Taï-chi est avant tout une énergie : "Le Taï-chi, surgi du Wu-chi, est la mère du yin et du yang." (Traîté du Taï-chi chuan de Wang Zongyué (1733-1810)). Enseigner le Taï-chi implique un savoir théorique sur l'énergétique chinoise et un vécu, une expérience concrète de l'énergie. Pas simplement des picotements dans les mains... Un maître en Taï-chi chuan doit pouvoir sentir certaines énergies quand il veut, à tout moment et dans n'importe quel lieu. Il doit pouvoir en faire la preuve devant  n'importe qui  et savoir ce qu'il fait ! (pour ce que je considère comme le jing : il doit pouvoir faire hérisser les poils de ses avant-bras à volonté même quand il fait chaud ; pour ce qui est du chi : il doit pouvoir, au minimum, choisir de dégager une forte chaleur ou un courant froid à travers ses paumes)

3. la métaphysique taoïste : "Taï-chi" (ou taiji) fait partie de la terminologie taoïste. Le taoïsme est à la fois un chamanisme, une alchimie, une philosophie, une religion et une mystique. Le Taï-chi chuan en est fortement imprégné. Le taoïsme considère l'univers comme un tout : le Wu-chi (wuji) ou le Tao (Dao) est l'énergie source contenant tout en elle. Le Tao est aussi la Voie que l'être individué entreprend pour renaître consciemment en tant qu'énergie universelle et une. L'être "séparé" du Wu-chi à cause des pièges tendus par l'ego et le mental est naturellement amené à voir, en retournant son esprit sur lui-même, qu'il est en réalité le Wu-chi ! Le taoïsme enseigne donc certains principes plus ou moins efficaces pour retourner à notre nature profonde. Le Taï-chi chuan est un des outils du taoïste. Pourquoi ? C'est un fait historique et contemporain. De plus, cet outil est effectivement efficace car il peut permettre à celui ou celle qui l'utilise de se relaxer, de laisser les énergies circuler et de se connaître. Attention, cette voie est commune à toutes les grandes traditions mystiques du monde. Il ne faut donc pas confondre rituel, philosophie colorée, exotisme, etc., avec la connaissance de soi : voyez le "connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux" de Platon et Socrate ! Un professeur de Taï-chi chuan devrait pouvoir traduire le taoïsme avec un vocabulaire grec, soufi, bouddhiste, chrétien, etc. Par ailleurs, s'il n'est pas encore "parfait", il doit être sur la Voie de la découverte de soi qui n'a que faire du pouvoir et du savoir accumulé. On ne demande pas à un professeur de Taï-chi chuan d'être taoïste ; on lui demande d'être en recherche sur sa propre nature. Il doit vous mener dans votre corps, dans la réalité au-delà du mental, dans l'instant présent.

"Le Ciel et la Terre subsistent toujours

Parce qu'ils ne se reproduisent pas

Ils peuvent durer indéfiniment

De même le Sage s'effaçant vers l'arrière

Se voit porter vers l'avant

Libéré de sa personne il subsiste

Par son total détachement il se réalise."

Extrait du Tao Te Ching de Lao Tzeu, père du taoïsme

 

4. La technique : elle est le support du travail sur soi. Un professeur de Taï-chi chuan doit connaître le corps principal des techniques ; la matière première. La technique reste un outil : pour quel but (?) est la question à poser à votre professeur. La réponse simple et logique est : "pour se découvrir soi-même".

 

Conclusion :

L'énergétique fait le lien entre l'art martial et l'art de se découvrir. Ces trois pôles forment un tout comme le rappel l'image du Taï-chi. Ces trois pôles viennent se greffer sur l'outil technique des gestes (...) et cet ensemble est appelé Taï-chi chuan. 

© Fabrice HOHN, 08/2001

Liens :

L'art du Taï-chi chuan

 

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